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Cours


Le Désir - Synthèse du cours

 

A) Prologue et introduction :

Prologue : Y a-t-il des désirs justes ?  – Lectures de La République (II / IV) de Platon.

  • Première étape : réguler ses désirs ?
  • Deuxième étape : se laisser conduire par ses désirs ?
  • Troisième étape : le désir, source de conflit psychologique.

 

Introduction : 

  1. Comment entrer dans l’étude du thème du désir ?
  2. Le désir échappe-t-il à la réflexion philosophique ?
  3. Le désir est-il dangereux pour l’être humain ?
  4. Le désir n’est-il pas libération ?
  5. Le désir n’est-il pas élévation métaphysique ?
  6. Synthèse et chapitres du cours :

Chapitre 1 : Peut-on connaître le désir ?

Chapitre 2 : Faut-il moraliser le désir ?

Chapitre 3 : Une éthique du désir est-elle possible ?

Chapitre 4 : Pour une métaphysique du désir.

 

B ) Chapitre 1 : Peut-on connaître le désir ?

Introduction : Y a-t-il une connaissance du désir plus légitime qu’une autre ?

A) Première perspective : lecture naturaliste du désir.

  1. Le corps naturel, une force désirante.
  2. La pulsion est au cœur de la matière.
  3. Le désir comme négation et affirmation de soi.
  4. Le désir, principe interne du vivant.

B) Deuxième perspective : lecture explicative du désir.

  1. Lecture neurobiologique du désir.
  2. Réfutation sceptique : comment vivons-nous le désir ?
  3. Nouvelle approche expérimentale du désir.
  4. Autre lecture explicative : le mécanisme des pulsions.

C) Troisième perspective : lecture phénoménologique du désir.

  1. Manifester sa présence au monde.
  2. Désir et sexualité.
  3. Désir et mauvaise foi. 

Conclusion : Peut-on articuler les connaissances du désir entre elles ?

 

Bibliographie : 

  • Barbaras, Introduction à une phénoménologie de la vie.
  • Flaubert, Madame Bovary.
  • Freud, Au-delà du principe du plaisir.
  • Hegel, Phénoménologie de l’esprit.
  • Jonas, Le Phénomène de la vie.
  • Louÿs, La Femme et le pantin.
  • Maupassant, « Une partie de campagne ».
  • Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception.
  • Platon, La République IV.
  • Sade, La Philosophie dans le boudoir.
  • Sartre, L’Être et le néant.
  • Zola, Thérèse Raquin.

 

Filmographie : 

  • Dassin, Les Forbans de la nuit.
  • Lang, Fury.

 

Lexique : 

  1.       Besoin : Ce dont la non satisfaction menace la vie ou la survie d'un individu. Ce qui est nécessaire au fonctionnement optimal d'un être vivant. Ce qui est nécessaire au bon fonctionnement d'un système, machine ou organisme.
  2.       Cause : ce qui produit un effet est appelé cause. On a restreint aujourd’hui le terme de cause à la cause efficiente : elle est antérieure logiquement et chronologiquement à son effet qu’elle produit mécaniquement.
  3.       Comprendre : rendre compte de l’être humain non pas de manière explicative (suivant les sciences de la nature), mais en l’interprétant comme être de liberté ; au lieu de chercher des lois naturelles fidèles au modèle physico-chimique, dévoiler les intentions et les finalités que se donne l’être humain.
  4.       Contingence : ce qui n’est pas nécessaire, ce qui aurait pu ne pas être.
  5.       Déterminisme : du latin determinare : « borner, limiter, régler, fixer ». Doctrine selon laquelle les êtres naturels sont soumis à une nécessité stricte qui les détermine entièrement.
  6.       Désir : du latin desiderare : « cesser de contempler », « constater l’absence », « chercher à obtenir ». Appétit conscient pour un objet ou pour ne fin connue ou imaginée. Avec Epicure : distinguer les désirs naturels des désirs vains.
  7.       Dialectique : art d’interroger et de répondre / pour Hegel : processus de réalisation de l’esprit (dieu) au-delà des contradictions qu’il résout.
  8.       En soi : ce qu’est une chose dans sa nature propre. Ce qui ne peut être autrement.
  9.       Expliquer : cela renvoie à la méthode expérimentales des sciences de la nature. Expliquer consiste à déplier (explicare) les mécanismes d’un phénomène naturel pour en décrire le fonctionnement.
  10.       Fatalisme : du latin fatum : « destin ». Doctrine qui attribue tout ce qui arrive à la fatalité ou au destin, et qui ne laisse aucune place à la liberté.
  11.       Hédonisme : du grec hèdoné qui veut dire « plaisir ». Doctrine selon laquelle la recherche du plaisir et l’évitement de la douleur constituent le souverain bien. Il faut distinguer entre un hédonisme éthique (Epicure) et un hédonisme fougueux, voire immoral (Sade).
  12.       Liberté : état de non contrainte. Pouvoir de la volonté d’être la cause première d’un acte. Pouvoir de se choisir (libre arbitre).
  13.       Loi scientifique : proposition qui établit des relations constantes entre les phénomènes observés, étudiés, expérimentés.
  14.       Mécanisme : se dit de toute théorie affirmant qu’une classe de phénomènes peut être ramenée à un fonctionnement mécanique ; désigne en biologie la réduction du vivant à une série de causes et d’effets strictement physico-chimiques.  
  15.       Nature : principe interne de croissance d’un être. // Ensemble des êtres et réalités présents dans le monde et dont la production ne relève rien d’humain.
  16.       Nécessité : ce qui ne peut pas ne pas être.
  17.       Objectivité : elle requiert l’impartialité du sujet connaissant et exige la mise en œuvre de procédures d’observation et d’expérimentation qui garantissent la validité des opérations pour connaître un objet d’étude.
  18.       Objet : du latin objectum : ce qui est placé devant. Ce qui est visé par une conscience.
  19.       Plaisir : sentiment agréable qui accompagne une sensation ou une action.
  20.       Pour soi : ce qui est de l’ordre de la réalité subjective.
  21.       Pulsion : du latin pulsio : action de pousser. Selon Freud, la pulsion est une poussée, force à la limite du physiologique et du psychique, faisant tendre l'organisme vers un but et exigeant satisfaction.
  22.       Raison : logos (grec) : raison, discours, science ; argumentation vraie et vérifiable. Ratio (latin) aptitude à calculer. Faculté de raisonner – dianoia (mot grec) : art de combiner des concepts ou des propositions. Faculté grâce à laquelle l’homme est capable de distinguer le vrai du faux (ordre de la pensée – rationnel), de discriminer le bien du mal (ordre de l’action – raisonnable).
  23.       Science : la science se conçoit généralement comme un savoir qui énonce des règles universelles susceptibles d’être vérifiées dans l’expérience ou d’être prouvées par une démonstration.
  24.       Vérité : la vérité procède d’un jugement. On peut distinguer la vérité formelle de la vérité matérielle : d’un côté un énoncé démontrable et doté d’une cohérence logique, de l’autre côté un énoncé dont les termes tels qu’ils sont définis correspondent bien aux phénomènes expérimentaux dont on prétend rendre compte (adéquation entre la chose pensée et la chose expérimentée).

 

 

Sujet de dissertation :

  •       Désirer, est-ce nécessairement souffrir ?
  •       Y a-t-il des désirs justes ?
  •       Le vrai désir.
  •       Faut-il désirer pour vivre ?
  •       Peut-on désirer librement ?
  •       Je désire donc je suis.

 

C) Chapitre 2 : Faut-il moraliser le désir ?

Introduction : Qu’est-ce qui pourrait justifier la moralisation du désir ?

A) Première perspective : Dénoncer le désir – le désir est-il une maladie ?

  1. Les figures de la concupiscence.
  2. Mais faut-il condamner Don Juan ?
  3. Une critique existentielle.
  4. Les faillites de l’érotisme. 
  5. Critique morale du désir.

B) Deuxième perspective : Eduquer le désir ?

  1. Eradiquer le désir ?
  2. Eduquer le désir ?
  3. Soumettre le désir ?

C) Troisième perspective : Redresser et contrôler le désir ?

  1. Aux sources de la société.
  2. Détours anthropologiques.
  3. Des besoins aux désirs.
  4. Surveiller le désir.

Conclusion : Le désir, en dépit des violences qu’il subit, des contraintes et des obligations (logique de moralisation), est toujours vivant.

 

Bibliographie : 

  • Augustin, Confessions.
  • Descartes, Les Passions de l’âme
  • Epictète, Entretiens / Manuel.
  • Foucault, La Volonté de savoir (Tome 1 de L’Histoire de la sexualité).
  • Corneille, Cinna.
  • Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque.
  • Goethe, Faust.
  • Hobbes, Léviathan.
  • Kant, Critique de la raison pratique.
  • Kierkegaard, Les Etapes érotiques spontanées in Ou bien… Ou bien.
  • Laclos, Les Liaisons dangereuses.
  • Marlowe, Le Docteur Faust.
  • Molière, Dom Juan / Tartuffe.
  • Pascal, Pensées.
  • Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.
  • Tirso de Molina, L’Abuseur de Séville.

 

Lexique : 

  1.       Ascèse : du grec askésis : exercice physique constituant l’entraînement d’un athlète. Tout travail sur soi visant à l’acquisition d’une capacité ou d’une vertu. 
  2.        Ataraxie : du grec ataraxia : absence de troubles.
  3.        Autonomie : capacité pour l’homme, en tant qu’être doué de raison, de se donner ses propres lois et se régir d’après elles.
  4.       Contrat social : hypothèse imaginée par des philosophes politiques. Il permet aux hommes de sortir d’un état de nature et de constituer une société suivant une convention qui lie juridiquement les hommes entre eux.
  5.       Déontologie : science des devoirs.
  6.       Déréliction : du latin derelictio qui signifie : abandon.
  7.       Devoir : « On appelle devoir l’action dont l’accomplissement possède une justification rationnelle » écrit Diogène Laërce.
  8.       Divertissement : du latin divertere qui signifie : « détourner ».
  9.       Droit : le droit est ce qui est conforme à une règle ; il permet de distinguer entre ce qui est autorisé et ce qui est défendu. Le droit est essentiel à la société, car comme instance extérieur, il autorise et garantit les relations réglées entre les hommes qui sont ainsi protégés des rapports fondés sur la force. Le droit peut se décliner sous plusieurs formes : droit naturel, droit positif, droit subjectif, droit des gens.
  10.       Droit de nature : selon Hobbes, droit dont dispose l’homme dans l’état de nature de pouvoir faire tout ce qui en son pouvoir pour se conserver, y compris de tuer un autre homme.
  11.       Etat de nature : Situation hypothétique ou fictive d’un homme (naturel) qui vit en dehors d’une organisation sociale et juridique.
  12.       Générosité : la générosité est pour Descartes une vertu passion qui consiste en la juste estime de soi. Elle est signe de grandeur d’âme (magnanimité).
  13.       Hédonisme : du grec hèdoné : doctrine selon laquelle la recherche du plaisir et l’évitement de la douleur constituent le souverain bien. Il faut distinguer entre un hédonisme éthique (Epicure) et un hédonisme fougueux, voire immoral (Sade).
  14.       Impératif : désigne, en morale surtout, toute proposition ayant l’aspect d’un commandement véritable. Kant distingue entre l’impératif catégorique (qui ordonne sans condition) et l’impératif hypothétique (qui subordonne l’ordre à une fin au moins possible ou souhaitée).
  15.       Libertin : celui qui refuse les contraintes, les sujétions ; qui manifeste une grand esprit d'indépendance, qui fait preuve de non conformisme. Celui qui a une conduite et des mœurs très libres.
  16.       Liberté : la liberté est un concept clé de la philosophie politique. Elle ne se confond pas avec l’idée d’indépendance ou de liberté naturelle qui permet à l’homme de faire ce qu’il veut quand il veut. La liberté dans le champ politique nécessite la reconnaissance d’autrui et des ses droits. Pour que la liberté des uns ne nuise pas à la liberté des autres, la médiation du droit est essentielle : je suis libre d’affirmer des droits (de pensée, d’opinion, de croyance) à condition de ne pas nuire à autrui. Mais la liberté politique trouve une forme supérieure chez le citoyen qui est l’homme qui a admis la nécessité de déterminer lui-même la loi à laquelle il obéit et qui rend possible la défense du bien commun. Cette liberté prend le sens d’autonomie (mot construit sur des termes grecs – auto : soi-même et nomos : loi).
  17.       Mal : mal physique : ce qui fait souffrit quelqu’un ; mal moral : ce qui peut être l’objet d’une réprobation ; mal métaphysique : imperfection nécessaire des êtres marqués par la finitude (les hommes).
  18.       Morale : science du bien et du mal qui donne lieu à des énoncés normatifs.
  19.       Mortification : souffrance qu’un homme s’impose pour faire pénitence.
  20.       Passion : La passion ne signifie pas seulement une souffrance (suivant le grec pathos) ; la passion est l’expression de la vie affective – les passions désignent l’ensemble des affects ; il y a de bonnes passions et de mauvaises passions.
  21.       Politique : terme androgyne – la et le politiques. La politique désigne l’action politique comme art de gouverner et comme engagement dans la combat pour conquérir le pouvoir. Le politique désigne le domaine institutionnel (l’Etat, le droit, la constitution) et la pensée politique qui fonde toute pratique et tout engagement dans la cité. 
  22.       Pouvoir politique : forme institutionnelle exerçant une autorité politique.
  23.       Raison : logos (grec) : raison, discours, science ; argumentation vraie et vérifiable. Ratio (latin) aptitude à calculer. Faculté de raisonner – dianoia (mot grec) : art de combiner des concepts ou des propositions. Faculté grâce à laquelle l’homme est capable de distinguer le vrai du faux (ordre de la pensée – rationnel), de discriminer le bien du mal (ordre de l’action – raisonnable).
  24.       Séduction : du verbe latin seducere : emmener à l’écart.
  25.       Société : le mot de société a pour étymologie latine societas qui signifie l’association. La société désigne l’association d’individus (animaux, hommes) qui vivent ensemble suivant des rapports réglés et des services réciproques. Ces relations sont pour les hommes réglées par des institutions et protégées par des lois. Cette organisation juridique des relations entre les hommes constitue la société civile. 
  26.       Souveraineté : en philosophie politique, la souveraineté désigne l’instance suprême qui prend les décisions. 
  27.       Union de l’âme et du corps : troisième substance pour Descartes dans Les Passions de l’âme (avec les substance pensante et étendue), localisée dans le cerveau (la glande pinéale). Pour rendre compte de ce phénomène d’union, Descartes pose l’existence d’une petite glande qu’il situe dans le cerveau, appelée glande pinéale. Cette dernière joue le rôle du point de jonction entre l’âme et le corps. Elle permet à l’âme de recevoir des informations sur le monde grâce au corps qui joue le rôle de médiateur, et en retour d’agir sur celui-ci en fonction des nouvelles recueillies. Plus précisément, l’âme et le corps communiquent par l’intermédiaire des esprits animaux : les mouvements de la glande pinéale peuvent influencer l’action de ces esprits (dans ce cas c’est l’âme qui agit sur le corps) et en retour, ces esprits animaux peuvent influencer les mouvements de la glande (dans ce cas, c’est le corps qui agit sur l’âme).
  28.       Volonté : elle est une force d’action, cause d’actes délibérés ; elle se structure en quatre temps : intention, délibération, décision, action.
  29.       Volonté générale : elle nomme l’action du corps social qui, uni par le contrat social, est soucieux uniquement de l’intérêt commun. 

 

Sujet de dissertation :

  •       Désirer, rien de trop !
  •       Suivre ses désirs.
  •       Faut-il limiter nos désirs ?
  •       Y a-t-il une raison du désir ?
  •       Ne désire que ce qui est possible. 

 

D) Chapitre 3 : Une éthique du désir est-elle possible ? 

Introduction : y a-t-il de bons et de mauvais désirs ? Dispose-t-on d’un critère pour les distinguer ?

A) Premier chemin éthique : désir d’être et joie d’être.

  1. Préalable métaphysique
  2. Où il est question de désir.
  3. La connaissance rationnelle.
  4. La béatitude.

B) Deuxième chemin : l’abus de puissance.

C) Troisième chemin : l’abus de liberté.

D) Quatrième chemin éthique : le désir amoureux.

  1. Fatalité du désir.
  2. Se perdre dans le désir.
  3. Renouer avec le désir – Eros philosophe.

E) Cinquième chemin : un désir d’être existentiel ?

Conclusion : le désir d’être est-il normatif ?

 

Bibliographie :

  • Gide, Les Caves du Vatican.
  • Platon, Le Banquet / Phèdre / Gorgias.
  • Racine, Phèdre.
  • Sartre, L’Etre et le néant.
  • Shakespeare, Roméo et Juliette.
  • Spinoza, Ethique.
  • Tristan et Yseut.

 

Filmographie 

  • Risi, Le fanfaron.
  • Wong Kar-waï, In the mood for love.

 

Lexique :

  1.       Affect : Forme d’action ou de passion qui constitue notre vie affective. L’affect est un état d’âme qui peut être positif comme la joie ou négatif comme la tristesse.
  2.       Âme : principe de vie et de pensée.
  3.       Amour : sentiment de nature intellectuelle ou de nature charnelle qui engendre le désir.
  4.       Aporie : du grec aporia : sans passage, impasse. Absence de ressource (poros en grec).
  5.       Autorité : du latin auctoritas, du verbe augere : augmenter, accroître.
  6.       Autrui : « c’est l’autre, c’est-à-dire le moi qui n’est pas moi » écrit Sartre dans L’Etre et le néant ; il est un être mixte de proximité et de distance, non objectivable. 
  7.       Béatitude : bonheur spirituel ; le bonheur ultime.
  8.       Bonheur : la satisfaction de toutes nos inclinations ; il constitue pour les doctrines eudémonistes la fin de l’action humaine accomplie par vertu.
  9.       Catharsis : du grec Katharsis qui signifie « purification, purgation », ou encore : « soulagement de l’âme par la satisfaction d’un besoin moral ».
  10.       Charme : du latin carmen qui signifie « chant, formule magique, incantation » ; du grec charis : « grâce » - Ce qui fournit la joie, le plaisir, les délices, la douceur, le charme, la tendresse : la grâce du discours.
  11.       Conscience : conscientia en latin signifie : 1. Connaissance partagée avec quelqu’un, d’où confidence, complicité ; 2. Conscience, sentiment intime ; 3. Conscience morale. La conscience est la présence vécue par le sujet de soi et du monde. La conscience est ce qui permet à l’être humain d'avoir connaissance de ses états, de ses actes et de leur valeur morale, ce qui lui permet également de se sentir exister, d'être présent à lui-même.
  12.       Contingence : ce qui n’est pas nécessaire, ce qui aurait pu ne pas être.
  13.       Corps : on peut distinguer le corps objet soumis à l’extériorité et au mécanisme naturel et le corps sujet (corps propre) qui est la partie constitutive de ma personnalité, à partir de laquelle je noue ma relation au monde. Tout objet matériel dont les propriétés essentielles sont l’étendue, l’impénétrabilité et la masse (approche physique). On peut distinguer pour l’homme entre le corps objet (approche biologique) soumis au déterminisme naturel et le corps sujet (approche philosophique) qui est un corps conscience.
  14.       Cosmos : du grec Kosmos : parure, beauté, ordre, ornement, monde. Le cosmos est conçu comme un tout ordonné et harmonieux par opposition au chaos.
  15.       Delectare : charmer, faire plaisir. 
  16.       Dialectique : du grec dialektikè qui est l’art de discuter par voie de questions et de réponses.
  17.       Durée : temps écoulé. Pour Bergson, la durée intérieure se caractérise par son hétérogénéité pure et qualitative ; elle affecte tous les êtres, elle est l’expression de leurs mouvements et de leurs changements.
  18.       Ethique : science des manières d’être. A la différence de la morale (science du bien et du mal), l’éthique a pour objet le bon et le mauvais.
  19.       Eudémonisme : Ethique pour laquelle le bonheur est le souverain bien de l’homme, et sa recherche le principe légitime de toute action.
  20.       Existence : du latin existere : sortir de, naître (naître au monde).
  21.       Force : puissance, principe d’action, éventuellement exercée aux dépens d’un sujet.
  22.       Grâce : du grec charis : « ce qui donne ou éprouve de la joie ».
  23.       Habitus : disposition acquise et déterminée.
  24.       Indifférence : neutralité affective qui s’opère par négation de la préférence, par suppression de la hiérarchie des valeurs.
  25.       Instant : point de la durée sans durée ; moment présent.
  26.       Instant fondateur : pour Proust rupture avec le temps horizontal (durée quotidienne) : temps vertical qui ouvre le poète au sens de l’éternité.
  27.       Ironie : du grec eironeia : action d’interroger en feignant l’ignorance.
  28.       Libération : affranchissement, élévation, accroissement.
  29.       Liberté : liberté comme licence : faire ce que l’on veut quand on veut ; consentir à ses pulsions / Libre arbitre : pouvoir de choisir / Liberté morale : voir autonomie ; obéir à la voix de la nature qui est toujours droite et qui s’adresse au cœur de l’homme (Rousseau).
  30.       Métaphysique : ce qui est au-delà de la physique, de la nature.
  31.       Métaphore : figure de rhétorique qui désigne un objet par le nom d’un autre avec lequel il a un rapport d’analogie.
  32.       Monde : en grec le Kosmos désigne : ordre, monde, parure, ornement ; en latin mundus signifie ce qui est net, propre, puis ornement, parure, et enfin monde, univers.
  33.       Nécessité : ce qui ne peut pas ne pas être.
  34.       Plaisir : sentiment agréable qui accompagne une sensation ou une action dans la satisfaction d’un besoin ou la représentation d’un désir. Avec Epicure : plaisir calme et en repos (vers l’ataraxie).
  35.       Pouvoir : terme qui désigne la capacité d’agir (potentia en latin : puissance, pouvoir de fait) ou bien l’exercice d’une autorité (potestas en latin : pouvoir de droit).
  36.       Pragmatisme : du grec pragma qui veut dire « affaire, c’est-à-dire ce qu’on fait », ainsi que : action de faire, action d’entreprendre (activité, agissement).
  37.       Pratique : du grec praxis qui signifie : fait d’agir, action, acte.
  38.       Promesse : acte de parole par lequel une personne libre s’engage à accomplir une action future.
  39.       Prudence : sagesse pratique qui permet de faire des choix opportuns.
  40.       Pulsion : en psychanalyse processus dynamique orientant l’organisme vers un but.
  41.       Responsabilité : du latin « respondere » : répondre. Faculté de répondre de soi-même, de ses actes, de ses dires.
  42.       Séduction : du verbe latin seducere : emmener à l’écart.
  43.       Sincérité : Qualité d'une personne sincère, qui exprime des sentiments réellement éprouvés, qui ne cache pas ses pensées.
  44.       Subjectif : ce qui appartient à un sujet.
  45.       Sujet : du latin subjectum : « soumis, assujetti » (sens négatif) ou « qui se tient dessous, qui est sous-jacent » (sens positif : source d’être, fondement).
  46.       Téléologie : science des fins.
  47.       Véracité : voir sincérité.
  48.       Vérité : la vérité procède d’un jugement. On peut distinguer la vérité formelle de la vérité matérielle : d’un côté un énoncé démontrable et doté d’une cohérence logique, de l’autre côté un énoncé dont les termes tels qu’ils sont définis correspondent bien aux phénomènes expérimentaux dont on prétend rendre compte (adéquation entre la chose pensée et la chose expérimentée).
  49.       Vertu : du latin virtus qui signifie « valeur, vertu, courage ».
  50.       Violence : du latin violentia qui veut dire : « caractère violent, emporté ».               

 

 

Sujet :

  •       Il n’y a pas de mal à désirer.
  •       Le désir a-t-il un prix ?
  •       Est-on libre de désirer ?
  •       L’ivresse du désir.

 


25/02/2020
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Conclusion du Cours sur le désir

 

 

                                   « Le désir doit faire son objet, tandis que bassement c’est l’objet qui se fait désirer », Paul Valéry, Tel Quel, « Cahier B 1910 »[1].

 

Esprit du chapitre 1 du cours : « Physique du désir ».

 

                                                                        « Ὅλως μν ον, σπερ ερηται,  ρεκτικν τ ζον, τατ ατοκινητικν· », Aristote, De l’âme, 433b.

 

     Au commencement de la réflexion, le désir a été appréhendé comme une réalité biologique. Il était important de montrer que le désir constitue l’une des deux colonnes, avec le dégoût, du « temple du Vivre », pour reprendre une image de Paul Valéry dans Tel Quel[2]. En effet, c’est grâce au désir, grâce à cette tendance qui porte l’être humain vers un objet source de satisfaction, que le vivant qu’est l’homme parvient à s’adapter à son milieu naturel et à son environnement culturel. Mais le désir n’est pas qu’une tendance, il est aussi une force de vie, comparable à un conatusqui pousse l’être humain à se conserver et à s’affirmer. Nous comprenons dès lors que le désir est consubstantiel à l’humain ; il n’y a pas d’homme sans désir.

     Mais cette force (un vouloir vivre ?) qu’est le désir constitue aussi un tourment pour l’être humain ; s’il s’apparente à une force physiologique, alors le désir détermine l’homme dans ses engagements, dans ses choix, dans ses aspirations. Il ne peut pas faire autrement que de désirer, malgré lui ; davantage, le désir, sous sa forme physiologique, cherche des chemins de satisfaction, et tant qu’un tel désir n’est pas parvenu à ses fins, alors l’homme souffre terriblement de la pression que lui fait subir sa force désirante. De telle sorte que le désir se présente comme un chemin de servitude. Comme l’exprime le titre d’un Essai de Montaigne : « Nos affections s’emportent au-delà de nous »[3] ; autrement dit : l’être humain est marqué par une incapacité à borner ses désirs, surtout lorsqu’ils se manifestent sous des formes paroxystiques[4] ; les désirs sont forcenés[5], trop âpres et violents[6], ardents et furieux. Dès lors, le désir apparaît telle une force de vie maléfique.

 

Esprit du chapitre 2 du cours : « Morale du désir ».

 

                                         « πιθυμας δ λγως λκοσης π δονς κα ρξσης ν μν τ ρχῇ βρις πωνομσθη », Platon, Phèdre, 238a.

 

                                         « (…) Video meliora proboque,/ Deteriora sequor », Ovide, Métamorphoses, VII.

 

     Ne faut-il pas désormais combattre le désir qui prend les formes d’une concupiscence mauvaise et d’une convoitise coupable ? Le désir est alors vécu comme un manque qu’il convient de combler par des jouissances et plaisirs ; mais ces jouissances et plaisirs n’apportent qu’un repos momentané qui n’offre pas à l’être humain un sentiment de réplétion. Le plus souvent la jouissance obtenue engendre une dépression qui est surmontée par la réactivation, en son être, de sa force désirante ; l’être humain serait donc un être insatiable, toujours en quête de plus de satisfaction, ce qui l’entraîne vers des excès (la démesure, la pléonexie) ; cette soif inextinguible du désir se manifeste par différentes libidines[7] (dominandi, sentiendi, sciendi). Montaigne évoque ainsi dans « L’Apologie de Raimond Sebond » les désirs « dangereux et téméraires »[8] qui entraînent l’homme vers des excès stériles.

     Pour faire face aux tourments que suscite le désir, pour ne pas sombrer dans le vice et le crime en répondant favorablement aux appels de la concupiscence, il s’agit de faire preuve de sévérité : l’être humain doit avouer les turpides de ses désirs, mortifier son corps d’où procèdent les concupiscences charnels qui le détournent du bien moral. Il faut faire violence aux désirs, jusqu’à les éradiquer pendant un temps pour retrouver en son être une sérénité perdue, une harmonie intérieure. Le désir, défini ainsi comme concupiscence coupable, est source de perturbation intense pour l’homme ; il semblerait que l’être humain, sous l’emprise de tels appétits charnels et sensuels, se dispersât dans le monde extérieur, fît l’expérience d’une « discontinuité otologique » qui le rend malheureux[9].

 

Esprit du chapitre 3 du cours : « Ethique du désir ».

 

« Rien de plus sot que de considérer l’objet de son désir comme chose véritablement désirable. Tandis que je désire, il doit me souvenir de l’erreur que je puis commettre en désirant » Paul Valéry, Tel quel, « Suite »[10].

 

     Eradiquer le désir en l’être humain ? « Quant au désir, supprime-le complétement pour l’instant » écrit Epictète dans son Manuel[11]. Mais jusqu’à quel point ? Même les Stoïciens en conviennent : le désir demeure un moteur pour l’action, de telle sorte que le désir n’est suspendu qu’un « instant » ; l’être humain ne peut pas se tourner vers des biens raisonnables sans y aspirer. Si bien que le désir est nécessaire dans l’édification du soi : il faut donc faire l’hypothèse d’une faculté de désirer supérieure (la raison elle-même ne désire-elle pas ?) pour permettre à l’être humain de vivre en accord avec la nature (qui est Dieu) et avec lui-même comme être de raison. 

       La perspective change donc : si le désir est le moteur de l’action humaine, il convient de l’éduquer, et non pas de l’éradiquer. C’est le chemin que suit Descartes ; dans Les Passions de l’âme, il définit ainsi le désir : « La passion du désir est une agitation de l’âme causée par les esprits qui la disposent à vouloir pour l’avenir les choses qu’elle se représente être convenables »[12]. La passion du désir est une affection de l’âme qui conduit l’être humain à rechercher ce qui lui convient et à fuir ce qui ne lui convient pas. Toute la difficulté éthique (pour s’affirmer positivement comme être raisonnable et en accord avec les autres parties de la nature) est d’identifier cette convenance : qu’est-ce qui convient donc à mon être ? Ce sont des biens qui me rendent heureux. Mais quels biens dois-je désirer pour être heureux ? Quel bonheur s’agit-il de poursuivre exactement ? Non pas un bonheur matériel qui consiste dans les jouissances sensuelles et corporelles, jouissances éphémères, mais un bonheur éthique qui procure à l’être humain une joie intérieure, cette « agréable émotion de l’âme » écrit Descartes dans l’article 91 des Passions de l’âme[13]. Ce qui convient sont des biens créateurs de cette joie intérieure. Quels sont donc ces biens ? Ce sont des biens raisonnables : l’homme est un être de raison, et il lui faut être en accord avec sa raison pour trouver sa juste place dans le monde[14]. D’où la nécessité d’éduquer le désir qui est la force motrice de l’être humain, pour se mettre en quête de tel biens raisonnables. Cela demande une vraie force d’âme (la générosité), une fermeté dans l’usage de sa volonté (faculté à exercer un libre choix) pour bien conduire ses désirs vers des biens raisonnables : l’homme généreux a pour vocation de suivre la vertu et d’éduquer son désir pour agir de façon raisonnable ; il fait preuve d’une fermeté de sa volonté et d’une constante résolution d’en bien user : « C’est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures ; ce qui est suivre parfaitement la vertu » écrit Descartes dans Les Passions de l’âme[15]. L’homme généreux éduque donc son désir par sa volonté qui suit la raison ; dès lors, il s’estime justement et vit en accord avec son environnement ; il est un être heureux.

 

Esprit du chapitre 4 : « Métaphysique du désir ».

                                                                « Sentimus, experimurque, nos aeternos esse », Spinoza, Ethique V.   

 

     Le désir n’est donc pas seulement un affect négatif, ou bien un affect qui m’emprisonnerait, ou encore un affect qui me rendrait malheureux. Considérons plutôt que le désir est l’essence de l’homme, il est la racine même de son existence ; aussi au lieu de vouloir éradiquer le désir, ce qui serait mettre un terme à l’existence humaine, il convient de le spiritualiser. En effet, le désir ne relève pas que de la matière, il n’enferme pas l’être humain dans un corps dénué d’esprit, il ne se réduit pas à une concupiscence mauvaise. Tout au contraire, c’est grâce à un désir spiritualisé, sublimé que l’être humain s’élève vers les hauteurs de la métaphysique : son âme goûte alors une nourriture céleste qui lui procure une joie spirituelle intense.

         Autrement dit, il y a une ivresse du désir, non pas une ivresse vulgaire qui aliène l’être humain dans des passions tristes, mais une ivresse dionysiaque grâce à laquelle l’homme exprime sa vitalité et son aspiration à donner un sens à son existence par la contemplation d’idéaux de beauté, de bonté, de vérité. Le désir est ainsi appétit qui transporte (l’ivresse) l’être humain au-delà des simples instincts et besoins ; il a une dimension métaphysique qui donne à l’homme le sentiment de ne pas exister pour rien. Proust explique ainsi dans Le temps retrouvé ce qu’est la vraie vie : « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c’est la littérature » ; et la grandeur de l’art, c’est « de retrouver, de ressaisir, de nous faire connaître cette réalité loin de laquelle nous vivons, de laquelle nous nous écartons de plus en plus au fur et à mesure que prend plus d’épaisseur et d’imperméabilité la connaissance conventionnelle que nous lui substituons, cette réalité que nous risquerions fort de mourir sans avoir connue, et qui est tout simplement notre vie »[16]. C’est l’accomplissement du désir métaphysique qui a permis au narrateur Proust de décoller, « la durée d’un éclair » vers les hauteurs silencieuses du souvenir, pour s’affranchir de l’ordre du temps et se nourrir de « l’essence des choses »[17]. Proust découvre en lui ce désir fondamental, un désir métaphysique, un désir qui transcende notre être matériel; il comprend alors que son être participe à l’éternité, et il surmonte ainsi l’angoisse de la mort.

 

 

Ouvrages de référence : 

  •      Homère, Odyssée.
  •      Platon, Le Banquet.
  •      Aristote, De l'Âme.
  •      Epicure, Lettre à Ménécée.
  •      Epictète, Manuel.
  •      Augustin, Les Confessions.
  •      Tristan et Yseut.
  •      Montaigne, Essais.
  •      Shakespeare, Roméo et Juliette.
  •      Descartes, Les Passions de l’âme.
  •      Molière, Don Juan.
  •      Racine, Phèdre.
  •      Spinoza, Ethique.
  •      Laclos, Les Liaisons dangereuses.
  •      Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.
  •      Kant, Critique de la raison pratique.
  •      Balzac, La Peau de Chagrin.
  •      Stendhal, Le Rouge et le noir.
  •      Kierkegaard, Ou bien, ou bien.
  •      Nietzsche, Humain trop humain.
  •      Maupassant, Bel ami.
  •      Zola, Nana.
  •      Freud, Malaise dans la civilisation.
  •      Proust, La Recherche du temps perdu.
  •      Sartre, L’Etre et le néant.
  •      Levinas, Totalité et infini.


[1] Œuvres II, La Pléiade, page 579.

[2]  « Le désir et le dégoût sont les deux colonnes du temple du Vivre », ibid., page 765.

[3] Essai I, 3.

[4] Paroxystique : qui se manifeste par des paroxysmes. Paroxysme : Moment le plus intense dans le déroulement de quelque chose.

[5] Montaigne dans l’Essai I, 28, « De l’amitié », évoque un « désir forcené » lorsque l’amour nous fuit.

[6] Montaigne écrit ainsi dans l’Essai I, 30, « De la modération » : Nous pouvons saisir la vertu de la façon qu’elle en deviendra vicieuse, si nous l’embrassons d’un désir trop âpre et violent », Editions La Pléiade, page 195.

[7] Nominatif pluriel du terme latin libido qui signifie : désir, caprice, débauche, fantaisie, sensualité.

[8] Essai II, 12.

[9] Montaigne dans l’Essai II, 15, « Que notre désir s’accroît par la malaisance » écrit : « Notre appétit méprise et outrepasse ce qui lui est en main, pour courir après ce qu’il n’a pas (…) Le désir et la jouissance nous mettent pareillement en peine ». Par malaisance, entendons : « sensation pénible, mal être, trouble ».

[10] Ibid., page 764.

[11] Epictète, Manuel II.

[12] Les Passions de l’âme, article 86, Editions La Pléiade, page 735.

[13] Ibid., page 738.

[14] Descartes propose, dans la troisième partie du Discours de la méthode, une morale provisoire ; la troisième maxime de cette morale s’énonce ainsi : « Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à ma vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l’ordre du monde ». Editions La Pléiade, page 142.

[15] Troisième partie, Article 153 : « En quoi consiste la générosité », op. cité, page 769.

[16] La Recherche du temps perdu, tome 4, Editions La Pléiade, page 474.

[17] Ibid., page 451.


30/03/2020
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Réponses argumentées à des questions - Lectures d'été

 

1) Tout n’est-il que corps ? (Lecture d'Epicure.)

            Le « tout » demeure pour l’être humain comme un rêve. Quel est donc ce « tout » ? Est-ce ce qui structure l’ensemble de l’univers et de toute réalité ? Le « tout » est imperceptible, impalpable ; et l’être humain est contraint d’user de son imagination, d’élaborer des hypothèses, de rêver parfois pour parler du tout. Dans cette perspective, il y a une prétention à pouvoir affirmer que le tout est quelque chose, comme par exemple qu’il est « corps », et qu’il n’est que corps. Cette représentation du tout apparaît de plus réductrice : le tout est matériel, sinon l’on entend par corps ce qui constitue la matérialité d’un être. Ainsi si le « tout » est corps, autant affirmer que l’univers, les mondes, les vivants, les êtres humains, leur intelligence et leur esprit sont matériels ; dans cette vision matérialiste du « tout », il faut comprendre que toute réalité procède de la matière qui, par des hasards surprenants, rend possible des rencontres d’atomes pour former des mondes et des êtres. Il n’est plus question de faire intervenir une quelconque transcendance divine pour expliquer le développement de la matière qui est le « tout ». Epicure n’a-t-il pas fait ce rêve dans la Lettrequ’il adresse à Hérodote ? Pour penser le « tout », il lui faut faire des conjectures, car le « tout » échappe aux sensations, seuls moyens pour l’être humain d’entrer en relation de connaissance avec ce qui est. Mais les sensations n’expriment des corps que ce que l’on perçoit directement ; le « tout » ne se perçoit pas, les atomes, dont sont faits les corps composés, ne se voient pas. Le recours aux hypothèses s’avère dès lors nécessaire : « car que les corps soient, c’est ce qu’atteste en toute occasion la sensation même, qu’il est nécessaire de suivre pour conjecturer, avec l’aide du raisonnement, l’inévident (adèlon en grec que l’on peut traduire aussi par invisible) ». Ainsi le concept d’atomes (qui sont invisibles) n’intervient qu’après avoir fait l’expérience des corps ; Epicure procède par inférence – il tire une conclusion ou une conséquence à partir d'un fait – à partir des corps perceptibles pour établir l’existence des corps en général, puis celle des principes indivisibles et invisibles qui assurent la pérennité de l’être. En poursuivant ainsi la chaîne du raisonnement, Epicure fait l’hypothèse (continue-t-il de rêver ?) de l’existence du vide (autre inévident) : en effet, sans le vide « les corps n’auraient pas d’endroit où être ni à travers quoi se mouvoir, comme manifestement ils se meuvent ». Ainsi Epicure découvre par raisonnement que le « tout » n’est pas que corps, il est aussi vide. Tout n’est donc pas que corps.

 

 

2) Y a-t-il une solitude du corps ? (Lecture de Tolstoï.)

« Seul, tout seul, face au mur la plupart du temps, il souffrait les mêmes insolubles angoisses et méditait la même pensée sans issue », Tolstoï, La Mort d’Ivan Ilitch, chapitre X.

 

            

    La solitude est une expérience existentielle parfois souhaitée, parfois subie. Elle peut être vécue, suivant l’un des sens du latin solitudo, comme un sentiment d’abandon, avec l’impression angoissante d’être sans protection. Tolstoï dans sa nouvelle La Mort d’Ivan Ilitch, met en scène l’histoire d’un conseiller à la Cour d’Appel Ivan Ilitch Golovine qui connaît une longue agonie – état transitoire correspondant aux derniers instants de la vie et qui peut prendre l'apparence d'une lutte contre la mort lorsqu'il s'accompagne d'une agitation convulsive ou de réactions psychologiques telles que la peur. Sans que l’on comprenne pourquoi, Ivan Ilitch devient malade : « (il) se plaignait d’une saveur désagréable dans la bouche et d’une impression de gêne dans le ventre, du côté gauche, mais cela ne pouvait passer pour une maladie » (Chapitre IV) ; quelques temps plus tôt, il a été victime d’une chute d’escabeau qui a produit une douleur très vive sur son flanc (chapitre III). Ivan Ilitch ne le comprend pas immédiatement, mais sa machine corporelle est en train de céder. Tolstoï produit une phénoménologie du corps malade, à savoir il décrit la dégénérescence du corps, jamais en suivant un point de vue médical et objectif, mais en partant des impressions vécues d’Ivan Ilitch ; Tolstoï nous fait ainsi entrer dans le corps subjectif. Et dans cette faillite du corps qui conduit le héros vers la mort, Ivan Ilitch ne cesse pas d’approfondir un sentiment de solitude. Il y a ainsi une solitude du corps, celle du corps machine : aucun médecin ne parvient à identifier les raisons de la maladie, n’offre un diagnostic précis ; chaque médecin donne le sentiment de jouer un jeu, celui du docte savant ; en réalité chaque médecin révèle son ignorance et abandonne le corps d’Ivan Ilitch à sa corruption. Cette solitude physique se transforme peu à peu en solitude psychologique : Ivan Ilitch s’enferme sur lui-même ; personne ne comprend les douleurs de son corps, personne de son entourage ne participe à l’histoire de sa maladie. N’est-il pas devenu un gêneur pour ceux qui entendent profiter des plaisirs de l’existence ? Le contraste entre les corps bien portants de son épouse et de sa fille et son corps agonisant est saisissant : « Son corps jeune (celui de sa fille), ce corps qui faisait tellement souffrir Ivan Ilitch, elle l’exposait insolemment. Saine, forte et vigoureuse, amoureuse, sans aucun doute, elle en voulait à la maladie, la souffrance, à la mort, qui faisaient obstacle à son bonheur. » Le corps d’Ivan Ilitch ne fait plus partie de la communauté des biens portants : il doit être caché pour ne pas faire d’ombre au plaisir d’être des corps sains. Ivan Ilitch est donc condamné à cette solitude psychologique : personne ne s’intéresse à son mal être ; ce sentiment d’isolement donne lieu à un autre sentiment : celui d’être abandonné par sa propre famille ; il éprouve alors une solitude morale : il n’est plus digne, en raison des défaillances de son corps, de faire partie de l’humanité ; il n’est plus respecté dans son être : « Il pleurait sur son impuissance, son affreuse solitude, la cruauté des hommes… » (chapitre IX). Le corps souffrant est donc la raison d’être de ces diverses solitudes ; lorsque le corps manifeste sa présence à l’être humain, c’est pour lui faire prendre conscience qu’il n’est qu’un être mortel, et que devant la mort il se retrouve isolé, sans protection : personne ne peut mourir pour lui. Certes le domestique Guérassime vient parfois combler le vide entre les corps, l’aidant à supporter la souffrance. Mais devant la mort, Ilitch est seul, et l’énergie corporelle que Guérassime a cherché à lui communiquer ne peut plus rien. En définitive, Ivan Ilitch fait l’expérience ultime de la solitude métaphysique ; il blasphème contre Dieu, contre ce qu’il appelle la cruauté de Dieu : « Pourquoi as-tu fait cela ? … Pourquoi m’avoir envoyé ici ? … Pourquoi me tourmenter ? » (chapitre IX) ; il éprouve par son corps souffrant un sentiment de déréliction. Et dans un ultime souffle, il s’abandonne à la mort, solitairement, en étirant ses membres… Ultime jeu du corps qui semble avoir le dernier mot.

  

 

3) La mémoire est-elle comme un tas d’ordures ? (Lecture de Borges.)

    La mémoire est la fonction par laquelle l’être humain entretient son rapport au temps ; en mémorisant des impressions, des sentiments, des idées, l’être humain construit son histoire (son passé), et se donne des outils d’expériences pour s’adapter à son environnement, pour exercer son esprit critique, pour agir opportunément dans le présent et le futur. Nous conférons ainsi la mémoire un rôle temporel décisif pour l’existence humaine. Pourtant le personnage Funes, héros malheureux d’une des Fictions de Borges, énonce ce jugement catégorique : « Ma mémoire, monsieur, est comme un tas d’ordures ». Prenons bien la mesure d’une telle assertion. Un tas d’ordures est assimilé à des immondices entassées pêle-mêle, sans distinction possible, dans un lieu sans charme, ni poésie. Un tas d’ordures est nauséabond, désagréable. Comment la mémoire qui a une fonction psychologique déterminante pourrait-elle être repoussante, tel un tas d’ordures ? Ce qui est constitutif d’une existence humaine devrait être rejeté ? La réponse à cette difficulté se trouve dans la situation particulière de Funes : s’il dénonce avec tant de virulence sa mémoire, c’est en raison d’une hypertrophie de cette dernière ; Funes est hypermnésique ; il est notamment doué d’une mémoire eidétique qui l’oblige à garder en image tous les détails d’un événement vécu à un moment donné, détails qui changent suivant le point de vue qu’il adopte. Ainsi Funes est accablé par des « tas » de souvenirs, avec leurs détails envahissants : « (…) non seulement Funes se rappelait chaque feuille de chaque arbre de chaque bois, mais chacune des fois qu’il l’avait vue ou imaginée. Il décida de réduire chacune de ses journées passées à quelques soixante-dix mille souvenirs… ». Nous le comprenons, la mémoire de Funes est congestionnée, ce qui lui interdit de penser et d’agir. Notamment pour penser, il est nécessaire d’abstraire le réel à l’aide de concepts, c’est-à-dire : il faut oublier de nombreux détails pour ne retenir que le « général » afin de se livrer à des confrontations entre des idées, sans avoir besoin de se livrer à l’énumération de toutes leurs caractéristiques. Dès lors, la mémoire de Funes est bien comme un tas d’ordures, un ramassis de détails qui sont comme des scories qu’il ne voudrait plus voir et qui lui interdissent de penser. Mais considérons qu’il s’agit de la mémoire de Funes, qui est une mémoire en excès. Ce qui signifie que la mémoire est comparable à un tas d’ordures accidentellement, et non pas essentiellement. Pour un être humain qui ne souffre pas d’hypermnésie, la mémoire s’assimile bien plus à un boîte à outils bien ordonnée qu’à un lieu d’immondices. 

 

4) Faut-il oublier pour l’homme ? (Lecture de Nietzsche.)

     Imagine-t-on un être humain qui ne porterait pas le fardeau de son passé ? L’animal semble être dépourvu de souffrance ou de dégoût ; il ne rumine pas son passé ; il pourrait bien déclarer « cela vient de ce que j’oublie… ». Si l’homme avait cette chance d’oublier chaque geste qu’il commet, chaque pensée qu’il forme et qu’il énonce, ne serait-il pas heureux comme l’animal qui vit dans l’insouciance ? Ce qui a été n’est plus, et l’animal ne s’en souvient plus. Nietzsche dans la Seconde Considération inactuelle, « De l’utilité et des inconvénients de l’histoire pour la vie », se demande si l’homme ne rêve pas de l’innocence de l’animal dépourvu de mémoire ; il connaîtrait alors un état de bonheur comparable à une vie sans inquiétude, ni tourments, ni nostalgie. En définitive, pourquoi l’être humain devrait-il oublier ? Pour ne pas avoir à subir son passé comme un péché qu’il doit assumer. Cela correspondrait à une nécessité éthique : vivre le repos, la quiétude de l’esprit. Si l’être humain pouvait choisir une divinité, il s’agirait d’Eris, la déesse de l’oubli pour ne plus avoir à supporter le poids de sa mémoire. Cependant, en suivant la pente de l’oubli, l’être humain risque de sombrer dans une existence incohérente, passant d’instants en instants sans parvenir à donner une continuité à ses actes et pensées. S’il est vrai que tout acte et toute pensée exigent une part d’amnésie – il n’est pas possible de tout prendre de son passé pour s’engager dans le monde –, l’absence de mémoire interdit de donner un sens aux engagements de l’homme. Nous sommes dès lors devant un dilemme : l’oubli est à la fois nécessaire et non nécessaire. Un équilibre est à trouver. Nietzsche se livre à ce diagnostic : l’homme moderne néglige le présent et l’avenir au profit d’une étude théorique et historique du passé ; il devient même malade de l’histoire. L’oubli est alors un remède nécessaire (nécessité éthique) pour ne pas sombrer dans la rumination historique. Mais il est aussi important de puiser dans le passé ce qui peut nourrir le présent et le futur. En ce sens d’une part la nécessité de l’oubli est relative, d’autre part les études historiques peuvent être des laboratoires de modes de vie pour préparer la sagesse de demain. 

 

5)  Faut-il défendre le culte de la mémoire ? (Lecture de Todorov.)

 

    La mémoire peut-elle être l’objet d’un culte ? C’est là une idée étrange, car c’est supposer que la mémoire doit être vénérée comme un objet sacré ; il s’agirait alors de la protéger par tout un réseau d’interdits pour que nulle personne ne l’approche, et donc la questionne, et la mette en question. La mémoire apparaîtrait alors telle une idole devant laquelle il conviendrait de s’agenouiller, conformément à la définition de ce qu’est un culte, à savoir un hommage religieux rendu à une divinité. N’est-ce pas là une idée insupportable de considérer la mémoire comme une divinité ? Todorov dans Les Abus de la mémoire doute de la pertinence d’un tel culte : « Le culte de la mémoire (…) n’est pas non plus forcément favorable à la mémoire ». Cette citation est à prendre sérieux : aucune nécessité ne justifie l’apologie (ou la défense) d’un tel culte. Il y a même une contre nécessité que fait entendre Todorov : pour maintenir la mémoire vivante, pour ne pas faire de celle-ci un savoir mort, il ne faut pas en faire un objet de culte ; la mémoire n’est pas une divinité. Pour cette raison, la mémoire collective d’une société, celle qui conserve les événements fondateurs d’une culture, n’a pas à être sanctuarisée dans des représentations sanctifiées qui interdissent toute mise en perspective de l’histoire d’une nation. Il convient dès lors de s’affranchir d’une mémoire littérale pour s’ouvrir à une mémoire exemplaire ; une mémoire littérale enferme une collectivité dans sa souffrance passée et ses ressentiments à l’égard d’un ennemi du passé ; il s’agit uniquement de commémorer les malheurs d’hier d’un groupe particulier ; au contraire, une mémoire exemplaire aide une société à prendre pour exemple tel événement historique comme les camps de concentration nazie, pour dénoncer dans le présent toute expérience concentrationnaire et ainsi agir directement dans le monde. Et cela demande donc de renoncer à faire de la mémoire une chose sainte.   


02/09/2020
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Prologue et Introduction du Cours sur L'Animal

Prologue : Éloge de l’animal.

 

A) Argument :

   Pratiquer, avec Montaigne, une ironie critique à l’égard de l’humain qui se croit supérieur à l’animal. Il se pourrait que ce dernier fut plus ingénieux, plus efficace, plus sage que l’être humain. Se découvre alors dans le fil du texte de Montaigne, en particulier dans « L’Apologie de Raymond Sebond », un animal mathématicien et épicurien.

 

B) Citations extraites de « L’Apologie de Raymond Sebond», Essai II, 12 de Montaigne :

 

  • « Il y a une pareille société entre le petit oiseau qu’on nomme le roitelet, et le crocodile ; le roitelet sert de sentinelle à ce grand animal ; et si l’ichneumon , son ennemi, approche pour le combattre, ce petit oiseau, de peur qu’il ne le surprenne endormi, va de son chant et à coup de bec l’éveillant et l’avertissant de son danger; il vit des demeurants  de ce monstre qui le reçoit familièrement en sa bouche, et y recueillir les morceaux de chair qui y sont demeurés ; et s’il veut fermer la bouche, il l’avertit premièrement d’en sortir, en le serrant peu à peu, sans l’étreindre et l’offenser », Montaigne, Essai II, XII .

 

  • « Quand je joue à ma chatte, qui sait, si elle passe son temps de moi plus que je ne fais d’elle »

 

  • « On récite d’un tigre, la plus inhumaine bête de toutes, que, lui ayant été baillé  un chevreau, il souffrit deux jours la faim avant que de le vouloir offenser, et le troisième il brisa la cage ou il était enfermé, pour aller chercher autre pâture, ne voulant prendre au chevreau, son familier et son hôte ».

 

  • « (…) la plus part des arts les bêtes nous les ont apprises : comme l’araignée à tisser et à coudre, l’hirondelle à bâtir, le cygne et le rossignol la musique, et plusieurs animaux, par leur imitation, à faire la médecine ». 

 

  • « Ils (les thons) font toujours leur bande de figure cubique, carrée en tout sens, et en dressent un corps de bataillon solide, clos et environné à l’entour, à six faces toutes égales ; puis nagent en cette ordonnance carrée, autant large que derrière que devant, de façon que, qui en voit et compte un rang, il peut aisément nombrer toute la troupe, d’autant que le nombre de la profondeur est égal à la largeur, et la largeur à la longueur 

 

  • « Les animaux sont beaucoup plus réglés que nous ne sommes, et se contiennent avec plus de modération sous les limites que la nature nous a prescrites ».

 

Introduction

A) Plan :

  1. Objectiver l’animal ?
  2. L’animal et l’humain.
  3. Définir l’animal ?
  4. Pour une critique de la raison animale.
  5. Plan du cours :

                        I.         Physiques de l’animal.

                      II.         Morale de l’animal.

                    III.         Ethique et politique de l’animal.

                     IV.         Esthétique et métaphysique de l’animal.

 

B) Argument : 

   Pourquoi une critique de la raison animale ? Il est certes difficile d’attribuer une raison critique à l’animal – comment savoir s’il fait usage d’une réflexion critique qui lui permet de s’interroger sur ses moyens de connaissances (Que puis-je savoir ?), de questionner le sens moral de ses actions (Que dois-je faire ?), voire de s’interroger sur le sens de son existence (Que m’est-il permis d’espérer ?) ? Mais si la raison « critique », suivant le terme grec Krinein qui signifie « examiner, distinguer, trier, juger après un libre examen », s’entend comme une raison (l’aptitude à réfléchir et à calculer) qui fait preuve de discernement, il est alors  possible d’envisager que l’animal fasse preuve de discernement pour répondre le mieux possible aux problèmes que lui pose la vie. Cependant cette critique de la raison animale concerne l’être humain dans sa relation à l’animal : comment l’humain parle-t-il à l’animal ? Comment s’adresse-t-il à lui ? Quel est donc son comportement face à celui-ci ? Que peut-il espérer de l’animal ? L’animal ne se donne à voir, à penser, à réfléchir que par l’intervention de l’être humain : le rapport à l’animal est donc indirect – d’où la nécessité de soumettre à une raison critique les discours de l’humain sur l’animal et les actions de l’humain vis-à-vis de l’animal pour vérifier leur pertinence et leur légitimité. De là, nous proposons le chemin de pensée suivant : nous partirons du discours de l’homme sur l’animal (avec tous ses efforts de définition), par lequel l’humain exerce une domination (Dominus, le maître de pouvoir)sur l’animal) pour aboutir à une inversion de la relation : n’est-ce pas l’animal qui montre le chemin, à la manière d’un Magister (maître de savoir), à l’être humain, pour lui permettre de mieux comprendre le sens de la vie ?

 

C) Citations :  

« Élohim dit : « Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance ! Qu’ils aient autorité sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, sur les bestiaux, sur toutes les bêtes sauvages et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre ! » », Genèse (I, 21-28).

 

« (…) la définition de l’animal, qui est, comme on voit, dès à présent fort imparfaite, et dont l’imperfection s’apercevra dans la suite des siècles beaucoup davantage », Diderot, Encyclopédie, « Animal ».  

 

« (...) par son instinct un animal est déjà tout ce qu’il peut être, une raison étrangère a déjà pris soin de tout pour lui. Mais l’homme doit user de sa propre raison. Il n’a point d’instinct et doit fixer lui-même le plan de sa conduite » Kant, Propos de pédagogie.

 

« Nous savons assez combien il est blessant d’entendre quelqu’un mettre l’homme, sans ménagement et sans que ce soit une image au nombre des animaux (…) Qu’y faire ? Nous ne pouvons pas faire autrement : car c’est précisément en cela que réside la nouveauté de nos vues. », Nietzsche, Par-delà bien et mal (§202).

 

« Tous les animaux sont devenus citoyens de la cité harmonieuse, parce qu’il ne convient pas qu’il y ait des animaux qui soient des étrangers », Péguy, Marcel, Premier dialogue de la cité harmonieuse.

 

« La pierre est sans monde ; l’animal est pauvre en monde ; l’homme est configurateur de monde », Heidegger, Les Concepts fondamentaux de la métaphysique.

 

 

 


25/09/2020
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Chapitre 1 : Physiques de l'animal - Synthèse

A) Plan :

Introduction : comment lire l’animal ? 

  1. Premiers pas naturalistes.
  2. L’animal est plus ou moins un homme.
  3. Construire une science du vivant.
  4. Le mécanisme.

 

B) Notions clés :

  • Acte : suivant Aristote, réalisation par un être de son essence, par opposition à ce qui est en puissance.
  • Âme : principe de pensée et principe de vie, d’unification et d’animation des vivants.
  • ADN : macromolécule présente au cœur de la cellule ; elle est le support de l’information génétique des corps vivants. 
  • Atomisme : doctrine selon laquelle il n’existe que des principes matériels, les atomes (particules indivisibles de matière inerte), séparés par du vide.
  • Biologie : la biologie est la science générale des êtres vivants. Étude des phénomènes vitaux dans l’individu, dans l’espèce, dans la cellule, étude de la reproduction (embryologie, génétique), étude des milieux où les êtres vivants se développent (écologie).
  • Cause : ce qui produit un effet est appelé cause. On a restreint aujourd’hui le terme de cause à la cause efficiente : elle est antérieure logiquement et chronologiquement à son effet qu’elle produit mécaniquement.
  • Comprendre : modalité de connaissance qui permet de rendre compte d’une réalité humaine de manière globale, et non pas analytique, et en explicitant sa signification ; au lieu de chercher des lois fidèles au modèle physico-mathématiques, on dévoile un sens.
  • Déduction : la déduction va du général au particulier. Déduire signifie tirer les conséquences de quelque chose à partir d’un pur raisonnement.
  • Déterminisme : du latin determinare : « borner, limiter, régler, fixer ». Doctrine selon laquelle les êtres naturels sont soumis à une nécessité stricte qui les détermine entièrement.
  • Expliquer : méthode propre aux sciences de la nature. Du latin explicare : action de déplier. L’explication traite des faits naturels en les intégrant dans des chaînes causales en en faisant donc des rapports « mécaniques » de cause à conséquence.
  • Finalisme : doctrine qui recourt aux causes finales pour expliquer la nature ; elle suppose que la nature ne fait rien en vain.
  • Hylémorphisme : le terme sert à désigner l’idée selon laquelle tous les corps vivants en devenir sont par nature constitués d’une matière (hulè en grec) et d’une forme (morphè en grec).
  • Induction : l’induction consiste à tirer des conclusions générales à partir de cas particuliers considérés comme porteurs de relations générales. Elle va donc du particulier au général.
  • Instinct : mouvement intérieur qui pousse l'animal à exécuter des actes  adaptés à un but dont il n'a pas conscience.
  • Matérialisme : Doctrine qui, rejetant l'existence d'un principe spirituel, ramène toute réalité à la matière et à ses modifications.
  • Matière : du latin « mater » qui signifie mère. Son étymologie la désigne comme le fond indifférencié, comme le réceptacle. Mais la matière n’est pas qu’un concept négatif ; il y a une nécessité interne qui s’exprime en elle, et qui fait d’elle une cause (cause matérielle).
  • Mécanisme : se dit de toute théorie affirmant qu’une classe de phénomènes peut être ramenée à un fonctionnement mécanique ; désigne en biologie la réduction du vivant à une série de causes et d’effets strictement physico-chimiques. Du grec « Mêkanê » qui signifie machine.
  • Objet : du latin objectum : ce qui est placé devant. Ce qui est visé par une conscience.
  • Sujet : du latin subjectum : « soumis, assujetti » ou « qui se tient dessous, qui est sous-jacent ». Le sujet désigne également l’être autonome, conscient, souverain.
  • Naturalisme : doctrine qui consiste à expliquer le vivant à partir de considérations naturelles.
  • Vie : Ensemble des phénomènes de toute sorte (nutrition, reproduction, génération, croissance, corruption) qui caractérisent les êtres vivants.
  • Téléologie : science des causes finales. 
  • Vérité : la vérité procède d’un jugement. On peut distinguer la vérité formelle de la vérité matérielle : d’un côté un énoncé démontrable et doté d’une cohérence logique, de l’autre côté un énoncé dont les termes tels qu’ils sont définis correspondent bien aux phénomènes expérimentaux dont on prétend rendre compte (adéquation entre la chose pensée et la chose expérimentée).
  • Vitalisme : de vital, qui a rapport à la vie. Doctrine de l'école de Montpellier (développée au 18ème siècle par Bordeu et Barthez) d'après laquelle il existe dans tout individu un principe vital gouvernant les phénomènes de la vie distinct de l'âme et de la matière.
  • Zoologie : partie des sciences naturelles qui étudie les animaux (du grec zoon : être vivant).

 

C) Auteurs de référence :

  • Aristote, De L’âme / Les Parties des Animaux / Histoire des Animaux.
  • Descartes, Le Monde / Méditations Métaphysiques / Principes de philosophie / Lettre au marquis de Newcastle (23/11/1646).
  • Diderot, « L’Animal » in Encyclopédie / Jacques le Fataliste / Le Rêve de d’Alembert.
  • Maupassant, Nouvelles.

 

D) Textes à l’étude :

Texte 1 : Aristote, De l’âme (II,3). 

     « Les facultés de l'âme dont nous venons de parler appartiennent toutes à certains êtres vivants comme nous l'avons dit. Elles sont les facultés nutritives, désirantes, sensitives, locomotrices et noétiques. Les plantes ne possèdent que la faculté nutritive. D'autres vivants possèdent celle-ci et de plus, la faculté sensitive; et, s’ils possèdent la faculté sensitive, ils possèdent aussi la faculté désirante, car sont du désir l’appétit, le courage et la volonté; or les animaux possèdent, tous, au moins l’un des sens, savoir le toucher, et là où il y a sensation, il y a aussi plaisir et douleur, et ce qui cause le plaisir et la douleur et les êtres qui possèdent ces états ont aussi l’appétit, car l’appétit est le désir de l’agréable. De plus, tous les animaux ont la sensation de l’aliment, car le toucher est le sens de l’aliment. En effet, des choses sèches, humides, chaudes et froides constituent exclusivement la nourriture de tous les animaux (et ces qualités sont perçues par le toucher, tandis que les autres sensibles ne le sont pas, sauf par accident), car le son, la couleur, ni l’odeur ne contribuent en rien à l’alimentation; quant à la saveur, elle est l’une des qualités tangibles. Or la faim et la soif sont appétit, la faim, du sec et du chaud, la soif, du froid et de l’humide; et la saveur est en quelque sorte un assaisonnement de ces qua lités. Nous aurons à éclaircir ces points dans la suite. Pour l’instant, qu’il nous suffise de dire qu’à ceux des animaux qui possèdent le toucher, le désir appartient également.

 

Texte 2 : Descartes, Lettre au Marquis de Newcastle, 23 novembre 1641.

     « Je sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m'en étonne pas car cela même sert à prouver qu'elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu'une horloge, laquelle montre bien mieux l'heure qu'il est, que notre jugement ne nous l'enseigne. Et sans doute que, lorsque les hirondelles viennent au printemps, elles agissent en cela comme des horloges. Tout ce que font les mouches à miel est de même nature, et l'ordre que tiennent les grues en volant et celui qu'observent les singes en se battant, s'il est vrai qu'ils en observent quelqu'un, et enfin l'instinct d'ensevelir leurs morts, n'est pas plus étrange que celui des chiens et des chats, qui grattent la terre pour ensevelir leurs excréments, bien qu'ils ne les ensevelissent presque jamais: ce qui montre qu'ils ne le font que par instinct et sans y penser. On peut seulement dire que, bien que les bêtes ne fassent aucune action qui nous assure qu'elles pensent, toutefois, à cause que les organes de leurs corps ne sont pas fort différents des nôtres, on peut conjecturer qu'il y a quelque pensée jointe à ces organes, ainsi que nous expérimentons en nous, bien que la leur soit beaucoup moins parfaite. A quoi je n'ai rien à répondre, sinon que, si elles pensaient ainsi que nous, elles auraient une âme immortelle aussi bien que nous, ce qui n'est pas vraisemblable, à cause qu'il n'y a point de raison pour le croire de quelques animaux, sans le croire de tous, et qu'il y en a plusieurs trop imparfaits pour pouvoir croire cela d'eux, comme sont les huîtres, les éponges, etc. »

 

E) Sujets possibles : 

  1. La fin de l’animal.
  2. Pourquoi des animaux ?
  3. Le carnaval des animaux.
  4. La vie animale.

 

 

 

 


02/10/2020
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