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La fonction de la mémoire

Introduction

    « La seule fonction de ma mémoire :  m’aider à regretter » écrit le penseur Cioran dans De l’inconvénient d’être né. Cioran assigne à la mémoire une fonction qui peut s’entendre comme un rôle décisif que la mémoire aurait à interpréter ; cela laisse supposer que la mémoire est un outil à la disposition de l’être humain.

    Cette représentation instrumentale de la mémoire peut nous surprendre. Elle découle de l’usage qui est fait de l’expression : la fonction de la mémoire. Nous avons affaire à un génitif qui dans l’esprit de Cioran est objectif, puisque la mémoire est soumise à une tâche précise qu’elle doit remplir. Ce qui nous surprend donc dans cette expression, c’est que l’on puisse enfermer la mémoire dans une activité déterminée, comme si elle n’était qu’un outil soumis aux volontés humaines. Ajoutons que la mémoire serait réduite à interpréter un seul rôle : aider l’être humain à regretter. Peut-on se satisfaire de cette lecture réductrice et instrumentale de la mémoire ?

    Il est possible de protester contre l’idée que la mémoire serait enfermée dans une tâche déterminée. Il y a bien des circonstances qui montrent que la mémoire décide pour l’homme, à l’exemple de la mémoire sensorielle, mémoire cérébrale qui retient les sensations tout justes passées pour permettre à l’homme de relier les sensations passées et présentes entre elles. N’est-ce pas dès lors la mémoire qui agit ? Il faudrait alors imaginer que l’expression « la fonction de la mémoire » exprimât un génitif subjectif – la mémoire serait l’actrice qui poursuivrait une fin. Elle aurait ainsi des propriétés caractérisant sa fonction biologique de faire en sorte que les êtres vivants s’adaptent à leur milieu. Et de fait, la mémoire cérébrale ne prend-elle pas des initiatives pour stocker et rappeler des informations utiles à l’équilibre d’un organisme vivant ? Il n’empêche, nous aboutissons à d’étranges représentations de la mémoire sous le prisme de la fonction :  soit elle n’est qu’un instrument assujetti à un rôle que lui confère l’être humain ; soit elle s’explique à partir de propriétés cérébrales qui relèvent de mécanisme naturel. Suivant la première perspective, la mémoire est contrainte dans une activité particulière. Suivant la seconde perspective, la mémoire est perçue comme une réalité matérielle qui fonctionne sans le consentement de l’homme : n’est-ce pas alors une mémoire déshumanisée ?

    Finalement ne faut-il pas renoncer à l’idée de fonction ? Ne pourrions-nous pas appréhender la mémoire au-delà de toute fonction ? Pour quel résultat ? Pour ce faire, nous souhaitons suivre ce chemin : l’idée de fonction ne conduit-elle pas à déshumaniser la mémoire (I) ? Davantage ne l’enferme-t-elle pas dans un rôle (II) ? Dès lors ne doit-on pas espérer pour la mémoire d’être au-delà de toute fonction (III) ?  

 

 

Plan : 

 

 I. Une mémoire déshumanisée ? 

   a) Le rôle de la mémoire cérébrale.

   b) Description des propriétés de la mémoire.

   c) Les limites d’une lecture scientifique de la mémoire.

 

 II. Une mémoire enfermée dans une activité déterminée ?

   a) La mémoire comme faculté cognitive intermédiaire.

   b) S’assurer du bon fonctionnement de la mémoire.

   c) La mémoire soumise au tribunal de l’efficacité.

 

 III. La mémoire peut-elle être sans fonction ?

   a) Une mémoire affranchie de tout utilitarisme ?

   b) La mission poétique de la mémoire.

   c) La vocation métaphysique de la mémoire.

 

Conclusion

   Nous avons découvert au terme de cette réflexion une nouvelle image de la mémoire ; elle a une dimension sacerdotale qui est telle une fonction sacrée : ainsi, comme mémoire réminiscence, elle ouvre les espaces sacrés des idées métaphysiques ; par elle, l’être humain découvre le sens même de l’éternité.

    Par conséquent, l’idée de fonction n’amoindrit pas la mémoire : en comprenant la fonction comme une vocation que suit la mémoire, alors cette dernière n’est ni réduite à n’être qu’un mécanisme matériel déshumanisé, ni assujettie aux sirènes de l’efficacité. Il y a une fonction de la mémoire qui spiritualise l’être humain.



11/11/2018
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