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L'indésirable

Premières réflexions

 

Mise en question de l'indésirable.

    Il semblerait que l’indésirable fût ce que l’on ne désire pas, ce pour quoi nous aurions quelque dégoût, voire ce qui nous inquièterait ou nous ferait peur. Il faudrait savoir cependant qui opère la délimitation entre le désirable et l’indésirable, entre ce qui est fantasmé ou imaginé et ce qui est rejeté : est-ce l’individu qui suivant des critères subjectifs, opère cette distinction ? Ou est-ce la société qui suivant des critères de morale publique, crée une catégorie de choses et de réalités indésirables. Il faut donc se mettre en quête d’un critère pour savoir qui évalue et comment est évalué l’indésirable. 

    Mais l’indésirable peut alors être figurée de deux façons au moins : soit il est ce qui détourne le désir, soit il est ce qui interdit le désir. D’un côté, l’indésirable suscite un dégoût tel qu’il n’y a pas d’appétit pour lui. D’un autre côté le désir se confronte à un objet qui peut susciter la convoitise, mais qui interdit par des conventions ou des lois. Dès lors, l’indésirable prend la forme d’un désirable qui est rendu inaccessible par une autorité morale ou sociale. Il faut alors noter une ambiguïté fondamentale : l’indésirable n’est peut-être pas l’envers du désirable et peut susciter le désir. L’indésirable aurait-il donc quelques vertus cachées ?

 

1° Premier chemin : l'indésirable source de dégoût.

    Selon la première façon, nous imaginons que l’indésirable désigne tout ce qui fait horreur à tel individu : telle forme physique, telle conception du monde, telle représentation ; tout ce qui peut provoquer malaise, mal-être, écœurement se présente comme un anti désir ou force de répulsion. Mais nous pouvons déjà noter que l’être humain a une attitude ambivalente à l’égard du morbide et de tout ce qui peut provoquer un sentiment d’horreur – à l’exemple de Léontios dans le livre IV de la République de Platon qui ne peut pas se retenir de regarder le spectacle de cadavres en décomposition.

 

2° Deuxième chemin : l'indésirable, ce qui est interdit.

    Selon la seconde façon, nous imaginons que l’indésirable est ce qui est entouré par un réseau d’interdits, ce qui est protégé comme un sanctuaire – « tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal ». Et quiconque se risque à convoiter l’indésirable, est condamné. Mais nous pouvons également noter que l’être humain a une attitude  étonnante à l’égard de l’indésirable : il n’y est pas indifférent, et son désir (sous la forme de la convoitise, de la concupiscence) ne peut pas ne pas tendre vers lui ; si bien que l’indésirable se fait désirable, provoque le désir et devient chose désirée – Adam et Eve n’ont pas su résister.

 

3° Troisième chemin : l'indésirable est-il sans fécondité?

    Quoi donc ? L’indésirable est-il une chose coupable qui dévoie l’homme d’un droit chemin moral ? Faut-il rejeter une fois pour toute l’indésirable ? Serait-il dangereux et sans fécondité pour l’être humain ? Il est étonnant de voir combien l’indésirable est au cœur de l’existence humaine, comme s’il était nécessaire pour l’être humain d’avoir un contre-modèle à ce que l’on nomme le « désirable », afin d’orienter favorablement (selon les intérêts particuliers ou selon les intérêts d’une société) son désir. L’indésirable a donc une fécondité : la prohibition de l’inceste, par exemple, joue dans chaque société un rôle régulateur pour favoriser l’exogamie ; en raison de cet indésirable, les individus ont été forcés d’élargir leurs relations à des groupes sociaux autres que le leur, ce qui a rendu possible la formation et le développement des sociétés, comme l’a expliqué Lévi-Strauss dans Les Structures élémentaires de la parenté

 



08/12/2019
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