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Désirer, est-ce nécessairement souffrir ?

Introduction : 

   Souffrir, n’est-ce pas une expérience fondamentalement négative ? Un être humain en souffrance, éprouve des tourments, subit des supplices, supporte des douleurs. La souffrance n’est-elle pas intolérable dans la mesure où elle est une atteinte à la vie, elle porte un coup d’arrêt au développement des forces vitales ? En conséquence, souffrir est ce que l’homme cherche à fuir pour vivre heureusement.

   Mais si nous supposons que désirer est nécessairement souffrir, alors autant assimiler l’action de désirer à un calvaire, à un mal qui provoque des dommages. Pourtant n’est-il pas étrange d’identifier l’action de désirer au fait de souffrir ? Car enfin, désirer met l’être humain davantage dans un état de satisfaction que dans une situation de mal-être ; en désirant, il semble courir après le plaisir : désirer, c’est en effet espérer une satisfaction, et cette espérance apparaît heureuse ; Aristote explique ainsi dans De l’Ame : « le désir est l’appétit de l’agréable ». Il faudrait même estimer que désirer est meilleur que l’obtention du plaisir comme l’exprime Julie de Wolmar l’héroïne de Julie ou La Nouvelle Héloïse de Rousseau : ne souffre-t-elle pas justement de ne plus avoir rien à désirer ? Un hiatus apparaît donc entre désirer et souffrir. Nous avons dès lors des difficultés à imaginer une relation d’équivalence entre l’action de désirer et le fait de souffrir 

   Désirer, est-ce donc nécessairement souffrir ? S’agit-il de la même action, de la même expérience ? L’adverbe « nécessairement » semble réfuter toute forme de doute : il ne peut pas ne pas y avoir d’équivalence entre désirer et souffrir ; il s’agirait donc d’une même expérience, quelles que soient les circonstances. Nous voyons combien l’adverbe de nécessité renforce le caractère inquiétant, voire étouffant de l’équivalence : il est impossible de désirer sans souffrir. Mais qu’y a-t-il dès lors d’inquiétant dans cette équivalence ? Désirer peut apparaître comme une action naturelle. Tous les êtres humains ne désirent-ils pas ? A savoir : ne sont-ils pas mus par des inclinations, des tendances, des appétits qui les poussent à rechercher ce qu’ils n’ont pas et ce qui pourrait leur apporter de nombreuses satisfactions ? Désirer, n’est-ce pas tout simplement vivre ? C’est en effet le propre de l’être humain de se mettre en mouvement en quête de bien-être, d’agrément, à la recherche de ce qui lui est utile, de telle sorte que si désirer, c’est vivre, et si désirer, c’est nécessairement souffrir, cela revient à affirmer que vivre, ce n’est que souffrir – autant dès lors refuser de vivre et viser l’extinction du désir pour ne plus avoir à souffrir. Ne sommes-nous pas alors devant une impasse tragique ?

   La réponse pourrait être de renoncer à cette équivalence, en raison de son caractère insupportable, afin de protéger le désir de toute souffrance. Seulement comment y renoncer puisque cette équivalence relève de la catégorie du nécessaire ? Il n’y a rien de contingent, ni rien d’inessentiel dans cette affaire, comme si la souffrance était consubstantielle au désir. Serait-il donc insupportable de désirer ? Nous proposerons trois axes de réflexion : Faut-il dénoncer la relation (I) ? Ou au contraire la défendre (II) ? Mais pour ne pas sombrer dans une philosophie du désespoir ne devrions-nous pas renoncer à cette relation entre désirer et souffrir (III) ?

 

Plan:

I. Dénoncer la relation ?

   a) La cristallisation amoureuse.

   b) Activité du désir, passivité de la souffrance.

   c) Ne pas désirer est source de souffrance.

II. Défendre la relation ?

   a) Le regret d'une étoile.

   b) La souffrance enveloppe le désir.

   c) La souffrance n'est-elle pas consubstantielle au désir?

III. Renoncer à la relation ?

   a) Ne sombrons-nous pas dans une philosophie du désespoir?

   b) La relation entre désir et souffrance n'est pas exclusive.

   c) Positivité et force de la souffrance.

Conclusion :

   Notre réflexion nous a permis de découvrir un sens positif et constructif de la souffrance ; si souffrir est apprendre à patienter avec son désir et à ne pas se laisser prendre par les excitations de ce désir, il apparaît alors que la relation d’équivalence entre le désir et la souffrance peut être défendue.

   Par conséquent soutenir l’équivalence entre le désir et la souffrance ne conduit pas obligatoirement vers une philosophie du désespoir et du renoncement. Le sage épicurien vit tel un dieu parmi les hommes. La souffrance a ainsi ses vertus ; elle relève d’une nécessité éthique pour faire de nos désirs des sources de vie heureuse.



27/09/2019
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