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L'autorité de la mémoire - Introduction et Conclusion

Introduction

     Funes le "mémorieux" est fascinant ; le héros de la nouvelle de Borges, « Funes ou la mémoire », est capable, entre autres, de se souvenir des « formes des nuages austraux de l’aube du trente avril mil huit cent quatre-vingt-deux » ; n’est-il pas à placer au sommet des "mémoristes" d’exception ? Sa mémoire fait autorité, au sens où elle est incontestable et immense ; elle impose le respect.

    Ainsi la mémoire manifesterait quelque autorité à la manière d’un grand personnage qui, par sa stature, en impose. Il y aurait donc une autorité de la mémoire. Cependant l’expression ne peut que nous surprendre, car si nous la comprenons au sens d’un génitif subjectif, nous devons considérer la mémoire comme sujet et auteur de l’autorité. Cela laisse entendre que la mémoire est indépendante à l’égard de l’homme, ce qui explique notre étonnement ; en effet, nous avons plutôt l’habitude d’appréhender la mémoire comme étant sous le joug de l’être humain. Dans cette perspective, n’est-il pas plus vraisemblance de voir dans l’expression « l’autorité de la mémoire » la présence d’un génitif objectif ? La mémoire est l’objet d’une autorité qui peut prendre la forme d’une domination que l’homme exerce sur la mémoire ; après tout, n’est-ce pas lui qui décide de mémoriser ?

     Pourtant, nous devons prendre au sérieux l’idée que la mémoire puisse exprimer une autorité. La mémoire ne manque pas de force ou de puissance : elle accorde à certains individus ses vertus ; par exemple, Mithridate Eupator, aux premier et deuxième siècles avant notre ère, était capable de rendre justice dans les vingt-deux langues de son Empire ; ce roi était doué d’un pouvoir de mémorisation qui forçait l’admiration. C’est là le propre de l’autorité : elle est une puissance qui manifeste du charisme et exerce une influence sur ceux qui la suivent. Seulement l’autorité revêt parfois un costume inquiétant ; elle use de son influence pour devenir autoritaire en imposant des contraintes insupportables. Et le personnage de Borges, Funes, sous l’emprise de l’omnipotence de sa mémoire, devient une sorte de martyr ; il vit un supplice, dort de moins au moins, accaparé par ses souvenirs ; il ne parvient plus à fausser compagnie à son passé. Il fait la douloureuse expérience d’une congestion de sa mémoire. Cette dernière le tyrannise. Si bien que l’idée d’autorité de la mémoire devient inquiétante ; l’autorité n’a alors rien de bienveillant : elle est aliénante ; celui qui se souvient trop ne peut pas être libre. Par conséquent ne faut-il pas se défier de l’autorité de la mémoire ? N’est-il pas nécessaire de la combattre ? 

     Le problème est de savoir si cette défiance à l’égard de l’autorité de la mémoire se justifie pleinement. En effet, une mémoire sans autorité, n’est-ce pas une mémoire faible (1) ? Mais si nous laissons l’autorité s’emparer de la mémoire, ne risquons-nous pas d’être confrontés à une mémoire omnipotente et autoritaire (2) ? Pour autant refuser l’autorité de la mémoire, est-ce la bonne réponse au problème (3) ?

 

Plan :

 

I. Un défaut d’autorité ?

  1. L’autorité comme charisme.
  2. Une mémoire nue sans autorité.
  3. Le charisme fragile de la mémoire.

 

II. Un excès d’autorité ?

  1. L’autorité comme domination.
  2. Usage autoritaire de la mémoire.
  3. La tyrannie de la mémoire.

 

III. Refuser l’autorité de la mémoire ?

  1. L’autorité comme autorisation.
  2. La force intellectuelle de la mémoire.
  3. Le magister de la mémoire.

Conclusion :

    Nous avons découvert, au travers de la réflexion conduite, que la mémoire n’est pas un simple outil à la disposition de l’être humain ; au contraire, elle est comme le magister de l’homme, un magister bienveillant qui structure son existence et qui lui donne les moyens, en gardant les traces des moments décisifs de sa vie, de donner une unité de sens à son être.

     Par conséquent l’autorité que manifeste la mémoire peut être bénéfique, dès lors qu’elle ne tyrannise pas l’homme par des représentations du passé envahissantes et dérangeantes ; lorsque cette autorité vise à augmenter les puissances de l’être humain, alors il ne peut plus être question de se défier de l’autorité de la mémoire.

 



22/09/2018
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